Quoi qu'il en soit, je décide de me lever tôt et de partir rapidement. Je déjeune copieusement d'œufs sur du pain et de riz accompagnés d'un mauvais café. J'ai choisi de partir léger. Le minimum dans ma sacoche, une veste de pluie et un pull pour le sommet où la température est annoncée autour des 20 degrés ce qui est très froid pour la région. Bien sûr j'emporte des réserves de flotte, quelques sachets "d'électrolytes" à mettre dans l'eau et quelques biscuits à grignoter en route. J'espère pouvoir faire "le plein" à mi montée. Vers 8h, je suis en route. L'ascension commence par deux courtes rampes un peu raides, qui laissent rapidement place à un long faux-plat en guise d'échauffement. J'entre dans le parc national où je paie un droit d'entrée "étranger" nettement plus cher que celui des locaux 300 baths contre 50. C'est cher pour la région avec ce prix là on peut déjà faire 2 ou 3 bons repas. Qu'importe.
Grimp'Tout avale le faux-plat sans broncher, mon genou ne fait pas mal, je roule doucement pour économiser des forces. Il fait chaud, déjà je suis trempé d'une sueur qui ne s'évapore pas, l'humidité de l'air avoisinant les 100%.
Vers le 25eme km, la faim commence à se faire sentir et toujours pas le moindre restaurant en vue, mais surtout je commence à avoir quelques crampes. Aie, non pas déjà, pas maintenant. J'ai fais l'erreur de ne boire que de l'eau pure sur le début de l'ascension et de ne pas avoir encore utilisé de sachet "d'électrolytes", je pense que je commence à manquer un peu de sodium et de potassium. Je décide de m'arrêter devant une petite échoppe pour faire le plein d'eau, grignoter quelques biscuits et boire deux bidons de solution saline. Je me charge de 3 litres d'eau, je crains de ne plus en trouver plus haut, enfin de l'eau potable je veux dire, par ce que les nuages me font penser qu'en matière de flotte je risque d'être servi. Un petit km plus loin je trouve le seul restaurant de la montée, si je veux arriver au bout, il s'agit de manger un repas sérieux, je commande du poulet aux noix de cajoux pas trop épicé, ça change de mes habitudes mais je ne veux pas risquer de douleurs intestinales et je fais une exception sur le piquant. Je repars plein d'énergie et les muscles un peu refroidis, heureusement parce que les pentes ne vont faire qu'empirer jusqu'à l'approche du sommet. Les crampes ont disparu. Ouf!
La végétation change doucement, on voit apparaître les premiers conifères, les lichens et mousses se font abondants, les plantes épiphytes aussi. C'est magnifique, de splendides papillons géants viennent butiner les fleurs, je regrette de ne pas disposer du matériel adéquat pour les photographier correctement, mais en voyage à vélo il n'est pas possible d'emporter 5kg de boîtier et objectifs. Je croise aussi quelques splendides coléoptères, scolopendres, cloportes géants...
Les locaux et les touristes thaïs qui montent à moto ou en voiture m'encouragent pour la plupart, il y en a même qui s'arrêtent pour m'applaudir ou vérifier que tout va bien. Je m'acharne, parfois sur de courtes portions je dois pousser le vélo, mes jambes fatiguent et 20% à 2200m d'altitude c'est au delà de mes possibilités sur de longues étapes, même avec les développements très courts de Grimp'Tout qui pèse quand même ses 21kg avec la sacoche.
Le sommet lui joue avec les nuages.
Nuages qui d'ailleurs se font tout doucement menaçants.
Maintenant il va falloir descendre, avant que la pluie n'arrive je me faisais une fête d'une belle descente rapide. Mais le changement de conditions climatiques change complètement la donne. La route est rendue glissante, les freins sont moins efficaces. Quand à la visibilité elle est réduite à sa plus simple expression, on ne voit pas à 20 mètres. Le seul avantage de cette drache abondante, c'est qu'elle refroidit les jantes de Grimp'Tout et que même si je freine beaucoup je ne risque pas de voir mon pneu atteindre de trop hautes températures ce qui pourrait provoquer un éclatement. Merci j'ai vécu ça en Irlande, pas spécialement mon meilleur souvenir même si j'avais évité la chute.
Si les pourcentages élevés ont fait mal aux jambes à la montée, ils rendent la descente vraiment difficile. Je suis constamment sur les freins tentant d'éviter de prendre trop de vitesse, ou de contrôler les dérapages de ma roue arrière. Heureusement je suis bon descendeur et Grimp'Tout est le plus fiable des vélos à ce type d'exercice. Il n'empêche que c'est avec soulagement que j'atteins le pied de la descente non sans m'être arrêté une dernière fois dans une échoppe pour boire un coup. J'y rencontre cette femme qui fume un truc étrange.
Ce soir j'écris ce récit au son des batraciens qui s'en donnent à cœur joie après la journée de pluie. Demain sera une journée de repos, ma montre GPS de sport me conseille 43 heures de récupération avant la prochaine activité sportive.
A bientôt.
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