mardi 14 juillet 2015

Doi Inthanon, point culminant de la Thaïlande. Où même la descente est difficile.

Atteindre à vélo le sommet de Doi Inthanon, 2565m, est le vrai défi sportif de ce voyage. J'ai pris hier une journée de repos pour soigner un peu ma plaie et attaquer cette montée avec des jambes fraîches. Sur le papier c'est assez simple, 40km environ d'ascension pour 2500m de dénivelée. Ça nous donne une moyenne de 6,25%, jusque là rien d'extraordinaire, c'est long mais pas trop difficile. A bien regarder le profil, il semble fort irrégulier avec des passages en faux-plat et d'autres plus raides. Le hollandais que j'ai rencontré la semaine passée m'a d'ailleurs informé que les 9 derniers km étaient terribles. Mais terrible pour un hollandais, ça veut dire quoi? 


Quoi qu'il en soit, je décide de me lever tôt et de partir rapidement. Je déjeune copieusement d'œufs sur du pain et de riz accompagnés d'un mauvais café. J'ai choisi de partir léger. Le minimum dans ma sacoche, une veste de pluie et un pull pour le sommet où la température est annoncée autour des 20 degrés ce qui est très froid pour la région. Bien sûr j'emporte des réserves de flotte, quelques sachets "d'électrolytes" à mettre dans l'eau et quelques biscuits à grignoter en route. J'espère pouvoir faire "le plein" à mi montée. Vers 8h, je suis en route. L'ascension commence par deux courtes rampes un peu raides, qui laissent rapidement place à un long faux-plat en guise d'échauffement. J'entre dans le parc national où je paie un droit d'entrée "étranger" nettement plus cher que celui des locaux 300 baths  contre 50. C'est cher pour la région avec ce prix là on peut déjà faire 2 ou 3 bons repas. Qu'importe. 

Grimp'Tout avale le faux-plat sans broncher, mon genou ne fait pas mal, je roule doucement pour économiser des forces. Il fait chaud, déjà je suis trempé d'une sueur qui ne s'évapore pas, l'humidité de l'air avoisinant les 100%.



Après quelques 10 bornes les choses sérieuses commencent, les pourcentages augmentent et il n'est pas rare que pendant parfois plus d'un km ma montre n'indique aucune pente inférieure à 14%. C'est dur, mais j'avance bien. 


Vers le 25eme km, la faim commence à se faire sentir et toujours pas le moindre restaurant en vue, mais surtout je commence à avoir quelques crampes. Aie, non pas déjà, pas maintenant. J'ai fais l'erreur de ne boire que de l'eau pure sur le début de l'ascension et de ne pas avoir encore utilisé de sachet "d'électrolytes", je pense que je commence à manquer un peu de sodium et de potassium. Je décide de m'arrêter devant une petite échoppe pour faire le plein d'eau, grignoter quelques biscuits et boire deux bidons de solution saline. Je me charge de 3 litres d'eau, je crains de ne plus en trouver plus haut, enfin de l'eau potable je veux dire, par ce que les nuages me font penser qu'en matière de flotte je risque d'être servi. Un petit km plus loin je trouve le seul restaurant de la montée, si je veux arriver au bout, il s'agit de manger un repas sérieux, je commande du poulet aux noix de cajoux pas trop épicé, ça change de mes habitudes mais je ne veux pas risquer de douleurs intestinales et je fais une exception sur le piquant. Je repars plein d'énergie et les muscles un peu refroidis, heureusement parce que les pentes ne vont faire qu'empirer jusqu'à l'approche du sommet. Les crampes ont disparu. Ouf! 

La végétation change doucement, on voit apparaître les premiers conifères, les lichens et mousses se font abondants, les plantes épiphytes aussi. C'est magnifique, de splendides papillons géants viennent butiner les fleurs, je regrette de ne pas disposer du matériel adéquat pour les photographier correctement, mais en voyage à vélo il n'est pas possible d'emporter 5kg de boîtier et objectifs. Je croise aussi quelques splendides coléoptères, scolopendres, cloportes géants...


Une dizaines de km avant le somment, je passe le contrôle de billet d'entrée et j'entre dans la partie la plus dure, l'altitude approche les 2000m et les pentes sont terribles. 12% ça va, 14 ça devient dur, 16 c'est épouvantable, 18 ou 20 c'est inhumain. J'avance doucement, faisant quelques pauses pour récupérer ou photographier les paysages. 


Les locaux et les touristes thaïs qui montent à moto ou en voiture m'encouragent pour la plupart, il y en a même qui s'arrêtent pour m'applaudir ou vérifier que tout va bien. Je m'acharne, parfois sur de courtes portions je dois pousser le vélo, mes jambes fatiguent et 20% à 2200m d'altitude c'est au delà de mes possibilités sur de longues étapes, même avec les développements très courts de Grimp'Tout qui pèse quand même ses 21kg avec la sacoche. 

Le sommet lui joue avec les nuages. 


Nuages qui d'ailleurs se font tout doucement menaçants.


 4km avant le but, l'orage arrive. Une vraie pluie, drue et froide. En quelques secondes je me mets à grelotter. La fatigue, sans doute mais j'ai froid, j'enfile rapidement ma veste et je reprends la route pour me réchauffer. L'approche du sommet, peut être aussi la pluie, me redonnent un nouvel élan. Et c'est fatigué mais content que j'arrive au point culminant de la Thaïlande. J'ai le sentiment que c'est une des plus dures ascensions, si ce n'est la plus dure de celles que j'ai faites. Les conditions météo certes n'aident pas! Et pourtant des cols, des côtes, des sommets, en 20 ans de cyclogrimpisme, j'en ai monté des pas tristes. Mais celui-ci vaut pour 10!  


Maintenant il va falloir descendre, avant que la pluie n'arrive je me faisais une fête d'une belle descente rapide. Mais le changement de conditions climatiques change complètement la donne. La route est rendue glissante, les freins sont moins efficaces. Quand à la visibilité elle est réduite à sa plus simple expression, on ne voit pas à 20 mètres. Le seul avantage de cette drache abondante, c'est qu'elle refroidit les jantes de Grimp'Tout et que même si je freine beaucoup je ne risque pas de voir mon pneu atteindre de trop hautes températures ce qui pourrait provoquer un éclatement. Merci j'ai vécu ça en Irlande, pas spécialement mon meilleur souvenir même si j'avais évité la chute. 

Si les pourcentages élevés ont fait mal aux jambes à la montée, ils rendent la descente vraiment difficile.  Je suis constamment sur les freins tentant d'éviter de prendre trop de vitesse, ou de contrôler les dérapages de ma roue arrière. Heureusement je suis bon descendeur et Grimp'Tout est le plus fiable des vélos à ce type d'exercice. Il n'empêche que c'est avec soulagement que j'atteins le pied de la descente non sans m'être arrêté une dernière fois dans une échoppe pour boire un coup. J'y rencontre cette femme qui fume un truc étrange. 


Ce soir j'écris ce récit au son des batraciens qui s'en donnent à cœur joie après la journée de pluie. Demain sera une journée de repos, ma montre GPS de sport me conseille 43 heures de récupération avant la prochaine activité sportive.  

Au bilan de la journée 81,88km pour une dénivelée de 2354m. 4180kCal consommées sur le vélo. 12 litres d'eau bus. Vitesse moyenne de 11,35km/h, 5,25 pour la montée uniquement. 7 heures et 12 minutes de vélo pour un total de 9h de route. 

A bientôt. 

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